Je vais vous parler de Sonja Suder et Christian Gauger qui en 2011 ont été extradés de la France vers l’Allemagne et qui se trouvent actuellement en procès en Allemagne.
Ils sont inculpés pour des faits qui remontent à plus de 37 ans. Et tout ce qui se passe dans ce procès est un bon exemple de ce qu’est la justice de classe.
Sonja et Christian sont soupçonnés d’avoir appartenu au RZ - donc aux cellules révolutionnaires.
Les RZ étaient des groupes de guérilla urbaine des années 70 et 80 en Allemagne qui se sont inscrits dans la lutte internationaliste, dans l’anti-impérialisme, les luttes sociales et la lutte pour la libération des prisonniers.
Dans ce contexte ce procès est tout d’actualité, au moment où le capitalisme se trouve en pleine guerre sociale contre de nouvelles luttes de classe qui viennent de naître en Espagne ou en Grèce, pour ne nommer que deux exemples.
Et pour bien montrer que l’Etat n’oublie jamais, ils poursuivent tout ce qui est révolutionnaire et tous ceux qui ne se plient pas.
Ce procès sert aussi en exemple de ce que c’est leur soi-disante justice.
Les preuves contre les deux consistent en témoignages extorqués dans des conditions de torture et en une dénonciation d’un renégat.
Le procès a commencé à Francfort le 21 septembre 2012.
En 2011 les deux anciens militants extraparlementaires des années 70, Sonja Suder et Christian Gauger, ont été extradés vers l’Allemagne après 33 ans passés en France ou ils ont vécu « normalement »
Soupçonnés d’avoir appartenu au RZ (cellules révolutionnaires), Sonja et Christian sont accusés de participation aux actions suivantes :
Deux attaques contre le nucléaire : la première contre la compagnie allemande MAN qui collaborait à la construction de la bombe atomique pour le régime raciste d’Afrique du Sud d’apartheid ; la seconde contre la compagnie KSB, qui, à cette époque était le plus gros fabricant de pompes utilisées dans les centrales nucléaires.
Et une attaque incendiaire contre le château d’Heidelberg. Cette action dénonçait la rénovation et la restructuration urbaines (la gentrification) qui mettaient en œuvre la destruction de quartiers entiers de la ville, chassant ainsi les plus pauvres de leurs logements pour satisfaire aux exigences du tourisme et du profit.
Les accusations contre Sonja Suder et Christian Gauger s’appuient sur les témoignages extorqués à Hermann Feiling alors qu’il était très grièvement blessé.
En 1978 la bombe incendiaire, qu’il préparait à destination du consulat de la dictature argentine, lui a explosé sur les genoux.
Profondément brûlé, Il perdra la vue et les jambes. Emmené à l’hôpital, en proie à de terribles souffrances, il est placé en isolement total. Il restera ainsi 18 semaines, sous l’emprise de sédatifs, privé d’avocat, avec pour seuls contacts les renseignements généraux, les procureurs et le juge. Ceux-ci lui posaient sans arrêt des questions et lui, complètement désorienté et perdu, ne savait même pas à qui il parlait. Sous l’influence d’antalgiques forts il disait parfois des phrases, des demi-phrases ou de simples mots que les policiers « résumaient » pour en faire quelque chose. de compréhensible, et surtout d’utilisable pour eux. Ces procédés sont assimilables à de la torture.
Dès sa sortie de l’isolement, Hermann Feiling désavouera ces déclarations arrachées par la police.
A l’automne 1978, alors que l’Etat allemand, pour démanteler les mouvements radicaux, pourchasse de nombreux activistes présumés, Sonja et Christian quittent ensemble l’Allemagne pour la France. C’est seulement plus tard qu’ils auront connaissance des accusations portées contre eux.
En 1999, Hans Joachim Klein, ancien membre des RZ qui avait rompu publiquement avec son passé militant et qui s’était lui aussi réfugié en France, est extradé vers l’Allemagne.
Jugé à Francfort pour avoir participé à l’action d’un commando germano-palestinien contre la conférence de l’OPEP en 1975 à Vienne, il accuse Sonja et un autre militant, d’avoir participé à la logistique de cette action.
Cette dénonciation fait partie d’un système de « délation-coopération » ouvrant sur des possibilités d’allègement de peine. C’est la pièce maîtresse d’une « justice d’urgence » que tous les Etats confrontés à la vague de contestation et de révoltes des années 70, introduiront sous des formes comparables dans le cours « ordinaire » de la justice.
Hans Joachim Klein, qui risquait la perpétuité, sera condamné à 9 ans de prison, en fera 4, puis sera définitivement gracié.
Comme la contumace n’existe pas en Allemagne, cette dernière accusation contre Sonja n’est pas examinée sur le fond, mais est à l’origine d’un nouveau mandat d’arrêt international lancé contre elle et d’une nouvelle demande d’extradition.
En 2000, Sonja et Christian sont arrêtés en France, mais la justice française se prononcera contre leur extradition, les faits dont ils étaient accusés étant prescrits en droit français. Le couple pourra rester en France en toute légalité.
En 2007, la justice allemande réitère sa demande d’extradition.
Aucune accusation nouvelle ne le justifie, mais de nouveaux accords franco-allemands qui, s’inscrivant dans le cadre de « l’espace Schengen », accordent la priorité à la législation du pays demandeur.
En Allemagne les faits ne sont pas prescrits et ces accords, bafouant tout principe du droit, ont valeur rétroactive. C’est ainsi que Sonja et Christian assurés dix ans plus tôt par la même Cour de pouvoir vivre en France deviennent extradables.
En juillet 2009 François Fillon, Premier Ministre du gouvernement de Nicolas Sarkozy, suit l’avis de la Cour quant à la légalité de la demande de l’Allemagne, et signe le décret d’extradition. Peu après le rejet du recours au Conseil d’Etat, ils sont saisis chez eux au petit matin du 21 Septembre 2011 et extradés vers l’Allemagne
Christian, qui souffre d’une affection cardiaque grave, est transporté de l’autre côté de la frontière en ambulance et placé dans un hôpital carcéral, puis libéré pour raisons médicales.
Sonja, elle, est conduite à la prison de Francfort-Preungesheim. Un an après, elle est toujours emprisonnée, très au-delà du temps de détention provisoire « normal » qui, en Allemagne, est de 6 mois. Les juges ont refusé par trois fois de lui accorder la liberté conditionnelle, arguant du risque qu’elle ne s’enfuie ... Cette affirmation est totalement aberrante : s’ils avaient voulu fuir la justice, ils pouvaient bien plus facilement se cacher en France, de plus ils ne se sont pas quittés depuis 35 ans, Sonja a désormais 80 ans et Christian est totalement dépendant d’une surveillance médicale et chirurgicale permanente.
Sonja paie leur refus à tous deux de parler, d’alimenter un système de « collaboration à la recherche de la vérité».
Pour plus d’infos :
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